Enseigner la laïcité est un sport de combat


 

Enseigner la laïcité est un sport de combat ?[1]

Affirmer que l’école est laïque, c’est rappeler cette neutralité de l’État à l’égard de toutes les Églises et de toutes les confessions, mais ce n’est pas nier et esquiver la thématisation et la compréhension du fait religieux dans sa diversité. Affirmer que l’école est laïque, ce n’est pas renoncer à aborder certains sujets susceptibles de fâcher, car ce serait oublier les missions de l’école – qui sont notamment d’éveiller chez l’élève le respect d’autrui et la tolérance dont notre société́ a grandement besoin. Une laïcité́ de l’ignorance, une laïcité́ qui a peur du contact et qui fuit le débat, fait le jeu de l’obscurantisme.

La laïcité à l’école, République et Canton de Genève, 2017, p. 1

 

« Pour raconter la République aux musulmans, il faut aussi raconter les musulmans à la République. Et là, il y a du travail »

Jean-Marc Roirant, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement,

Kessel Patrick, Roirant Jean-marc, Seksig Alain. Ni plurielle, ni de combat : la laïcité. In: Hommes et Migrations, n°1218, Mars-avril 1999. Laïcité mode d'emploi. pp. 64-75.

La mise à mort d’un enseignant d’Histoire-Géographie dans le contexte actuel de terrorisme islamique impose, à nous enseignant, avec nos élèves, au-delà de la douleur, du choc, de l’émotion,

 

-       de chercher à éclairer les motivations et le modus operandi de cet assassinat ;

 

-       de revenir à « qui » est attaqué derrière ce collègue, et quelles valeurs sont portées par la République et doivent être enseignées, en priorité la laïcité ;

 

-       d’apporter la connaissance de l’altérité, et ici l’Islam afin de lutter contre les amalgames effectués sur la place publique par de nombreux acteurs dont les politiques ;

 

-       enfin, de venir aux réponses politiques actuelles et la cohorte de questions qu’elles posent : normalisation de pensées d’extrême droite, laïcité de combat.

 

Réflexion en trois temps : les faits ; les valeurs ; la société

Réflexion pensée pour des élèves de lycée général, avec de volontaires prétentions intellectuelles apparaissant nécessaire pour la justesse et la profondeur du propos, et pour le respect que nous devons à nos élèves sur leur capacité à appréhender des concepts et des notions complexes, qui les enrichissent.

I - Les faits – l’assassinat d’un professeur parce que professeur

 

A.   Faits, acteurs

 

Chercher à répondre à qui, comment, « pourquoi »

 

1. Les faits

Vendredi de la veille des Vacances, en conséquence d’un cours relatif à la liberté d’expression, après avoir préparé ses élèves (et permis à ceux qui le voulaient de ne pas rester) montre une caricature du prophète Mahomet 


 

Conditions de travail particulières

Élèves = avoir conscience que leur lycée n’est pas le centre du monde = diversité des territoires de la République, diversité des populations et de leur vécu – ici périphérie nord-ouest de Paris : forte mixité des populations ET concentration de catégories sociaux-professionnelles dans des quartiers dits « sensibles » + proximité de la capitale (écho + fort)

2.   Les acteurs

Abdoullakh Anzonov = russe né à Moscou d’origine Tchétchène, statut de réfugié, inconnu des services de renseignement

>    radicalisation des musulmans tchétchènes = l’une des conséquences de guerres de Tchétchénie (se déclare indépendante en 1991, guerre 1994-96, puis 1999-2000, avec guérillas jusqu’en 2009) = après éclatement de l’URSS risque d’éclatement de la fédération de Russie = entraine réaction extrêmement violente de l’État russe = tortures, exécutions sommaires, bombardements de civils, viols… génèrent la radicalisation d’une minorité qui se rapprochent des luttes terroristes (//Afghanistan) = contrôle du territoire par système très autoritaire (réélection de Ramzan Kadyrov en 2016 avec 98% des voix…) 

>    Génère flux migratoires de populations qui fuient la guerre et la Russie 

>    Radicalisation à outrance profite à l’EIl = pratique de guérillas, pratique de terrain, construction de réseaux, et jusqu’au-boutisme = certains cadres de l’EIL

 

Revendique sur les réseaux sociaux et montre son acte (photo sur tweeter)

 

Abdelhakim Sefrioui

> pratiquant radicalisé, connu pour ses prises de position (pro Hamas Palestinien, pro Djihad Islamique palestinien = 2 groupes considérés comme terroristes, présent dans le bureau de campagne de Dieudonné lorsque ce dernier voulait se présenter à la présidentielle en 2006)

> a accompagné le parent d’élève qui a rencontré la principale en conséquence du cours ; exigeaient le renvoi du professeur + a diffusé l’information

 

3.   Un blasphème ?

Une provocation = ce qu’elle est pleinement. Caricature = irrespectueuse par essence 

« Un bon dessin de presse, c’est un coup de poing dans la gueule » (Cabu)

 

Interprété comme un blasphème = une profanation du sacré ; souillure de l’honneur du prophète Mahomet

Blasphème - Parole ou discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ou sacré. (Le blasphème est à distinguer du sacrilège : le premier consiste en paroles, le second en actes.)

Larousse - https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/blasph%C3%A8me/9774

> entraine plaintes de parents + recherche de conciliation via direction du collège

Appel à la haine de quelques parents d’élèves + relayées sur les réseaux sociaux ; les responsables de la Mosquée de Pantin ; et par quelques personnages sulfureux dont Abdelhakim Sefrioui

= radicalisation visible

- légitime droit de se sentir offensé

- illégitime droit de considérer son ressentit comme plus important que celui des autres et de faire « justice » soi même

 

LE point de rencontre avec l’assassin > jeune Russe d’origine Tchétchène

Délation d’élèves puis assassinat par décapitation

 

B.   Sens de l’acte

 

Chercher à répondre au pourquoi de cet assassinat en sa forme et ses buts

 

 

1.   Une exécution

 

Dans l’Islam traditionnel = décapitation acte guerrier, acte de justice (pas simple assassinat) = une exécution :

« si vous tuez, tuez convenablement » (Hadith – paroles du prophète)

 

= la plus convenable = décapitation au sabre

Relai conséquent des pratiques de l’EIl en Syrie et Irak (décapiter pour impressionner l’ennemi et les populations : exhibition des têtes coupées) = interprétation du Coran à la lettre (frapper ses adversaire au cou = 8, verset 12 et 47, verset 4)

Sens pour notre société : s’attaquer à l’intégrité du corps = épreuve plus rude pour la famille de la victime, impressionner, marquer la société

Ø  Ici « réussite » de l’assassin = S. Paty = cérémonie nationale dans la cour de l’Université de la Sorbonne à Paris, à titre posthume légion d‘honneur et grand commandeur des palmes académiques (la question n’est pas de savoir s’il les mérites ou non, ici la nation reconnaît pourquoi il est décédé)

 

 

2.   Attaquer l’école, attaquer les valeurs

 

Pourquoi attaquer un professeur = car diffuse valeurs de la République

 

Attaquer un professeur = attaquer l’école vecteur du cadre de vie ensemble = esprit critique, liberté d’expression et donc le contradictoire, le droit de ne pas être d’accord

 

// influence du radicalisme dans le sport =

Ø  Vecteur d’un sens de l’effort commun, d’une image « virile », d’un esprit de corps = utile à regrouper des croyants, et + = l’assassin de l’Hyper Casher (Coulibaly) avait déjà tweeté à ce sujet (les « jeunes musulmans sportifs » qui devraient faire le djihad) +

Ø  A. Anzonov = fréquenta club de lutte avec tendances à la radicalisation

 

Participe du radicalisme religieux mais pas seulement = + diffuse des informations, des connaissances que certains parents ne veulent pas inculquer à leurs enfants

Ø  ce que certains parents récusent en France comme ailleurs dans le monde occidental (USA école avec enseignement du créationnisme comme origine de l’homme ; Brésil mouvement protestant « platiste » contestant la rotondité de la Terre…)

Ø  vivre ensemble = accepter l’autre ≠ radicalisme sunnite dans l’Islam = refus d’une micro minorité qui utilise moyens terroristes = pas un mouvement, une mouvance, peu de réseaux, généralement des individus isolés. En France aucune attache dans un lieu (mosquée, salle de prière, association) car ce sont des lieux où l’on se met en avant = subir les critiques des autres musulmans – généralement individus « isolés » avec des contacts « virtuels » (réseaux sociaux, numéros de téléphone)

 


[Bilan I]

ð    Un acte terroriste, extrêmement violent, qui se veut dans une filiation djihadiste ;

ð    Un rôle certain des familles et de leur relation à l’enseignement, qui pose la question de la place de l’école et du respect de l’institution ;

ð    Un rôle considérable des réseaux sociaux, qui amplifient les éléments négatifs, violents, et de ceux se présentant comme les encadrants d’un vivre ensemble dans la nation (Imam, responsable de Mosquée)

ð    Un acte qui dénote par qui est agressé et impose de venir aux valeurs de la République

 

ð    Enseignant agressé = agresser la République

- Impose de réaffirmer l’enseignement des valeurs

- En contrepoint, impose de chercher à mieux connaître et comprendre le religieux


ð  

II – Des valeurs – Des obligations d’enseignement conséquence d’un ancrage historique profond

 

Valeurs républicaines

Ø  Certaines issues de l’Humanisme et des Lumières ; certaines plus anciennes

 

Ø  Mises en avant par la Révolution dès 1789 (Fin des privilèges, égalité, Droits de l’Homme et du citoyen)

 

Ø  Réaffirmées par chaque République (1848, 1870, 1945) et renforcées par des « moments » de l’Histoire (révolution de 1830, Commune de Paris 1871, Front Populaire 1936, CNR et gouvernement provisoire de la République 1944-45)

 

Ø  Le « socle » de notre démocratie permettant de souder les citoyens

 

 

A.   Enseigner les valeurs de la République

 

Quelles valeurs, leurs raisons d’être + poids de la laïcité

 

 

1.   Une obligation de l’enseignant

 

Ø  Former des citoyens éclairés et vivants en société = valeurs explicitées depuis l’école primaire, ré-évoquées au collège

 

Il s’agit donc d’un projet politique que l’on retrouve énoncé dans le code de l’éducation, article L111-1 « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves.

Dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs. »

Enseigner les valeurs de la République pour les faire connaître, comprendre et faire partager.

https://enseignement-moral-civique-pedagogie.web.ac-grenoble.fr/content/pourquoi-enseigner-les-valeurs-de-la-republique

 

Un fait est une observation ou une information, concrète, tangible, parfois quantifiable. Il correspond à une réalité. La compréhension du fait, son interprétation peuvent varier selon les individus, selon la manière dont il est relayé ou présenté.

Une opinion est un jugement que l’on porte de façon subjective sur un objet de son environnement. Elle se réfère souvent à un système de valeurs. Elle est souvent influencée par notre entourage familial, professionnel, amical, par les médias, les réseaux sociaux. Toute opinion qui se veut une vérité est un intégrisme.

Les sentiments s’appuient sur les émotions, les sensations. Ils ne peuvent être contestés mais ne constituent pas pour cela une vérité mais est plus du domaine du ressenti.

La confiance est un sentiment de sécurité qui consiste à se fier totalement à quelqu’un d’autre ou à quelque chose. La confiance suppose une suspension, du moins temporaire, de l’incertitude par rapport aux actions ou aux réactions des autres. Elle permet d’agir.

Une croyance est une opinion qui a le caractère d'une conviction intime et qui exclut le doute ; assentiment que donne l'esprit, sans réflexion personnelle. Acceptation totale issue de la confiance absolue que l’on a en sa source.

Une argumentation s’établit à partir d’un fait et d’éléments construits à l’aide d’un raisonnement.

La vérité : la vérité est constituée d’un ensemble de faits dont les sources sont vérifiées, qui font consensus et sont admises à un moment donné.

La responsabilité est une obligation faite à une personne de répondre de ses actes ou de ses omissions mêmes réalisés par inadvertance, imprudence ou négligence. Chacun doit assumer les conséquences juridiques, pénales, disciplinaires ou pécuniaires de ses actes. La responsabilité est personnelle, elle est le contrepoids de la liberté.

La tolérance : une attitude qui fait admettre des manières de penser et d’agir différente des siennes comme d’accepter ce que l’on pourrait empêcher ou interdire.

https://enseignement-moral-civique-pedagogie.web.ac-grenoble.fr/content/quest-ce-quenseigner-les-valeurs

 

 

2.   Liberté de conscience, liberté d’expression

 

Base : Déclaration des droits de l’homme (« nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi »)

 

La liberté d'expression est consacrée parmi les "droits naturels et imprescriptibles de l'homme" dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, plus précisément dans son article 11 qui en définit l'importance, le périmètre et les enjeux : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Derrière cet article se retrouvent tous les enjeux liés à la liberté d'expression : depuis ce texte fondateur, nos sociétés ont eu à arbitrer entre la nécessité que cette liberté s'exprime pour chacun et en toutes circonstances pour garantir le pluralisme sans lequel elle n'existe pas et la question des limites à lui donner pour éviter des dérives violentes, sectaires et finalement liberticides.

L'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 définit quant à lui la liberté d'opinion et d'expression comme "le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit". Apprendre aux élèves à mesurer la portée de la liberté d'expression et d'opinion passe notamment par la prise de conscience de la portée de leurs paroles et la confrontation de leur jugement à celui d'autrui. Les usages d'Internet peuvent être un champ fertile de réflexion sur ce sujet.

https://enseignement-moral-civique-pedagogie.web.ac-grenoble.fr/content/enseigner-la-liberte-les-libertes

 

 

3.   La laïcité, cœur des valeurs républicaines

 


« La laïcité signifie la neutralité religieuse de l’État, mais pas la négation du fait religieux (…), la laïcité n’est un but en soi, mais l’instrument qui permet la paix civile et le respect des convictions de tous, sans discrimination, chacun étant égal devant la Loi »

La laïcité à l’école, République et Canton de Genève, 2017, p. 2

 

Loi de 1905 = point d’orgue d’un combat contre le catholicisme religion d’état = école laïque depuis 1882, laïcité de combat (agressive, de lutte – exemple décret du maire du Kremlin Bicêtre en 1900 ≠ le port de la soutane dans la rue) et anticatholicisme

Loi de 1905 = loi de conciliation avec la mise à égalité et à distance des religions de l’État - et exercice libre des religions

Voire aussi  

https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1999_num_1218_1_3297

Aucun blasphème (voir partie I - A - 3) de possible : aucune offense d’aucune religion de reconnue. Le « blasphème » n’est donc aucunement un délit.

Voire aussi

https://enseignement-moral-civique-pedagogie.web.ac-grenoble.fr/content/enseigner-la-liberte-les-libertes




 

Valeurs laïques communes = dépassent et doivent circonscrire les valeurs religieuses qui sont personnelles

= le fruit d’une évolution des sociétés modernes – lent passage, en France visible dès la fin du XVIIe siècle, d’une religion « communautaire » à une foi personnelle, conséquence des évolutions des sociétés (dont schisme catholiques protestants) ;

 

B.   Concilier les valeurs dans la république

 

Loi de 1905, liberté d’expression = arrachés de longue lutte contre des valeurs religieuses et politiques imposant des interdits = doit permettre au religieux de trouver sa place (« La laïcité [n’est] pas la négation du fait religieux » - La laïcité à l’école, République et Canton de Genève, 2017, p. 2)

 

Droit à la caricature, à la satire, à la contestation, à la liberté de parole construit sur le temps très long, et partagé par les sociétés humaines

 

En quoi cette liberté d’expression contreviendrait alors aux valeurs de l’Islam ?

> Revenir à la place de la représentation, de la satire et de la caricature dans les religions et dans l’Islam en particulier

 

 

1.   Religions et représentation du sacré

 

La question de la représentation dans les religions du livre = élément commun à l’Islam et au christianisme

-     Condamnation de l’idolâtrie dans le christianisme (antiquité occidentale et orientale, mondes précolombiens) et dans l’Islam (par ex. Kaaba) = le prophète (le « dernier des prophètes ») n’est pas d’essence divine, « messager », il ne peut être idolâtré / sacralisé et donc le "blasphème" reste à relativiser 

-     Proximité et capillarité des crises iconoclastes du monde grec (726-843) et des réflexions de l’Islam des premiers temps sur la représentation des images

Le Coran n’interdit en aucune manière la représentation figurée, celle des hommes pas plus que celle des animaux : représentations possibles, pratique plus réduite (ex. Iran Chiite)

 

Le Coran n’interdit pas la représentation du Prophète ni la représentation humaine en général. Ecrit dans une société où l’image est généralement absente (la péninsule arabique au VIIe siècle), le texte ne la mentionne qu’une seule fois : « Le vin, les jeux de hasard, les idoles sont des abominations inventées par Satan. Abstenez-vous en » (Sourate V, verset 90). Ce mot « idoles », littéralement « pierres dressées » (Ansàb), désigne les statues des païens.

 

Louis Imbert, « Représentations de Mahomet : ce que disent le Coran et les autres textes de l’islam », Le Monde, 26 octobre 2020

 


Muhammad reçoit la révélation de l’ange Gabriel. Compendium des Histoires (Jâmi‘ al-tawârikh) de Rashîd al-dîn, manuscrit illustré produit à Tabriz [Iran] au début du XIVe siècle (Edinburgh University Library, MS Arab 20)

 


 

Muhammad, sous la forme d’un nimbe dorée (en haut à gauche de l’image), détruit les idoles de la Kaaba. Miniature du Cachemire [Inde / Pakistan], XIXe siècle (Paris, BnF, Manuscrits orientaux, Supplément persan 1030, fol. 306)

 


Une scène du mi‘râj, « l’ascension céleste » de Muhammad. Sur le dos de sa monture ailée, le prophète rencontre lors de sa traversée des sept ciels un ange en forme de coq. Manuscrit produit à Hérat [Afghanistan], XVe siècle (Paris, BnF, Manuscrits orientaux, Supplément turc 190, fol. 11).

 

 

 

Muhammad siège devant les croyants en compagnie des quatre premiers califes. Dans ce manuscrit chiite, Ali, le premier imam, est lui aussi symbolisé par une flamme. Miniature du Cachemire [Inde-Pakistan], XIXe siècle (BnF, Manuscrits orientaux, Supplément persan 1030, fol. 374v).

 

« Il est difficile d’évaluer si cette pratique consistant à effacer les traits du prophète découle véritablement de la désapprobation des ulémas envers sa représentation figurée ; de fait, la réitération de l’interdiction en la matière est récente. L’historienne de l’art Christiane Gruber interprète plutôt ce phénomène comme l’extension, dans le domaine de l’art, d’une tendance à l’abstraction reflétant la diffusion de thèmes mystiques associant Muhammad à la « Lumière prophétique », émanation de la Lumière divine, principe créateur universel et symbole de la divinité unique échappant à toute représentation (Gruber 2009). Ces idées se développèrent dans le contexte de l’Iran safavide et sont largement représentées dans la poésie persane de l’époque. Elles insistent sur le fait que l’essence du prophète ne peut être appréhendée que par une vision de l’âme, et s’accompagnent de descriptions allégoriques de la « lumière prophétique », symbolisée par le nimbe de flammes ».

 

Vanessa Van renterghem, « La représentation figurée du prophète Muhammad », Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche-Orient (Hypothèses.org), 29 octobre 2012. [En ligne] http://ifpo.hypotheses.org/4445

 

 

2.   La caricature, commun des sociétés

 

Caricature = un support d’expression écrit, dans un contexte précis = à relier avec la pratique de la satire = comme le rire = le propre de l’homme

Caricaturer le sacré : le désacraliser, l’humaniser = une permanence historique

 

·      Caricature et satire

pratique très ancienne attestée à Pompéi ; développé comme pratique contre le pouvoir avec les pamphlets = Italie centrale XVIe siècle (satire contre le pouvoir et la religion)


Dès les premiers temps du christianisme se multiplient les attaques contre la Bible ou la religion des chrétiens, sous forme littéraire, dessinée ou théâtrale, souvent sarcastique, voire satirique. Certains juifs dénoncent l'idolâtrie et l'immoralité des chrétiens. Tertullien, un défenseur du christianisme se plaint du fait qu'« on vient de faire paraître (...) une nouvelle figure de notre Dieu ». Il s'agirait d'une « peinture avec l'inscription suivante : Le dieu-âne des chrétiens ; il avait des oreilles d'âne et un pied en sabot, tenait un livre à la main et était vêtu d'une toge » 4. Et en effet, un graffiti antique retrouvé à Rome 5, datant des premiers temps du christianisme, représente un personnage crucifié muni d'une tête d'âne et devant lequel s'affaire un croyant avec cette inscription : « Alexamène adore Dieu »


 

Guillaume Doizy, « De la caricature anticléricale à la farce biblique », Archives de sciences sociales des religions, 134 | 2006, 63-91.

https://journals.openedition.org/assr/3660?lang=es

 

Naissance de l’Islam = péninsule arabique du VIIe siècle = pas un territoire de l’écrit

-     écrire se fait avec un roseau taillé en biseau = qalam = terme emprunté au grec

-     terme employé pour le parchemin, raqq = mot éthiopien

= terminologie étrangère

On n’écrit pas = rend les écrits divins, surnaturels = les anges écrivent, pas les hommes

On n’écrit pas = on ne dessine pas, donc on ne produit pas de caricatures (≠ christianisme)

 

Il n'empêche que partout le rire et la moquerie sont le propre de l'homme et les sociétés sans écriture ou à écriture restreinte n'y échappent pas. Alors dans les sociétés tribales d'Arabie ce sont les paroles qui étaient le support de ce que le Coran nomme istihzâ' ou sukhriyya, deux termes qui désignent la moquerie ou la raillerie en paroles. Le Coran n'en parle pas. Mais on sait que la société tribale arabe était férue de hidjâ', la poésie satirique. Les satires étaient souvent féroces, à la hauteur des caricatures actuelles. La société tribale savait donc rire et se moquer. C'était même une de ses distractions favorites. Lors des foires saisonnières, il y avait de véritables concours de satires entre les tribus

Jacqueline Chabbi, agrégée d’arabe et docteur ès lettres, est professeure honoraire des universités.

Les Cahiers de l’Islam, 1er novembre 2020

https://www.lescahiersdelislam.fr/Rencontre-avec-Jacqueline-Chabbi-Coran-et-caricatures-en-paroles_a1940.html?TOKEN_RETURN

 

·        Monde occidental

Montée en puissance sous la Révolution française + Caricature du politique et du religieux = contexte de l’instruction obligatoire et lutte anticléricale

 >  une laïcité de combat (La Calotte, les Corbeaux, l’Asino italien)








>  Les Poires de Daumier

 


>  Caricatures antisémites autour de l’Affaire Dreyfus

 

·        Monde oriental

Le Mollah Nasreddine, preuve qu’un islam satirique a existé - naïf et malin, menteur et sincère, le facétieux personnage incarne toutes les figures irrévérencieuses et populaires de la tradition musulmane.

Nasr Eddin Hodja est un ouléma mythique de la culture musulmane qui aurait vécu en Turquie, à une date indéterminée entre le XIIIe siècle et le XVe siècle. Sa renommée va des Balkans à la Mongolie et ses aventures sont célébrées dans des dizaines de langues, du serbo-croate au persan en passant par le turc, l'arabe, le grec, le russe et d'autres.
Son personnage s'est fondu à celui de Joha (au Maghreb). Le personnage de Joha (en Égypte il s'appelle Goha, en Turquie il s'appelle Nasreddin Hoca) préexistait à celui de Nasr Eddin Hodja sans que l'on puisse clairement déterminer l'origine de ce personnage ingénu, faux-naïf du monde arabo-musulman.

En Iran et Azerbaïdjan, on l'appelle Mollah Nasreddin et en Asie centrale Appendi (du turc efendi: monsieur), mais ce sont toujours les mêmes aventures que l'on raconte à son propos. Ses histoires courtes sont morales, bouffonnes, absurdes ou parfois coquines. Une partie importante d'entre elles a la qualité d'histoire enseignement.
Nasr Eddin vit en général à Aksehir (Turquie) où il a sa tombe canular vide. Ses histoires ont parfois pour protagonistes le terrible conquérant Tamerlan, pour qui il joue le rôle de bouffon insolent bien que la situation soit anachronique. D'autres histoires mettent en scène son âne et sa première femme Khadidja ; il exerce parfois la fonction de Cadi voire d'enseignant dans une médersa.

Wikipedia

 


De retour du marché où il est allé, monté sur son âne, Nasr Eddin commence par jeter un coup d’œil à l'écurie pour voir si tout se passe bien. Surprise : l'animal n'est pas là à sa place habituelle, dans sa stalle.
— Qu'y a-t-il, Hodja ? Lui crie son voisin, qui le voit perplexe.
— Mon âne s'est enfui en mon absence, il va falloir que j'aille à sa recherche.
— Ton âne ! Mais regarde donc, étourdi, tu es dessus !
— Tiens, c'est vrai ! Reconnaît Nasr Eddin, qui a l'air encore plus embarrassé.
— Qu'y a-il donc, maintenant ? Rentre chez toi !
— Eh non, maintenant il faut que je retrouve son maître.


+ Un titre de presse satirique début XXe siècle

 


Une sélection de couvertures, d'illustrations et de caricatures emblématiques du légendaire périodique satirique azéri.

Molla Nasreddin: the magazine that would've, could've, should've rassemble une sélection de couvertures, illustrations et caricatures emblématiques de Molla Nasreddin, le légendaire périodique satirique azéri lu à travers tout le monde musulman, du Maroc à l'Inde en passant par l'Iran, au début du XXe siècle. Abordant déjà à l'époque des questions telles que les droits des femmes, la latinisation de l'alphabet, les puissances impériales de l'Occident, l'influence du socialisme soviétique au nord ou de l'islamisme d'origine irannienne au sud, etc., Molla Nasreddin a contribué à une compréhension approfondie de la construction d'une identité caucasienne, et constitue aujourd'hui encore un exemple du pouvoir que peut représenter la presse.

 

https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=2050

 

 

 

[Bilan II]

ð    Nécessité de réaffirmer et expliciter les valeurs républicaines : un cadre pour tous

ð    Caricature et satire : une pratique commune des toutes les civilisations, de tous les hommes = ne les sépare pas, devrait les rapprocher

ð    L’Islam n’est pas incarné par les propos et les actes radicaux des terroristes qui assassinent en son nom = la laïcité, le droit à la caricature dérangent une interprétation très radicale et particulière de l’Islam, extrêmement minoritaire

 

ð    Problème : quelles réponses apporter à ces actes ?

- Un cadre sociétal marqué par une extrême droitisation qui juge en amalgamant

- Une réponse d’État qui se veut une réponse politique dans un contexte politique


 

III – Entre réponse d’État et discours de la société

 

Société française très impactée par les attentats – pas par le nombre, ni le nombre des décès = attentats terroristes tuent essentiellement des musulmans, en « terre d’Islam » - par le type d’attaque, par les valeurs mises en causes.

 

Pose la question de la mise en commun de ces valeurs, et dévoile un échec de cette mise en commun.

Problème = construire cette mise en commun est une permanence, sur le temps long, qui se révèle fragile, alors que les citoyens exigent des réponses rapides, visibles.

 

Il faut donc interroger le contexte sociétal et politique, qui est marqué par une droitisation des discours, avant de s’intéresser aux actes du politique en réponse avec ces attentats.

 

 

A.   Une normalisation des discours d’extrême droite

 

Mise en avant du nativisme = être né dans le lieu, être « du lieu » pour mieux s’opposer à ceux qui ne seraient pas de ce lieu = ethnicité

 

Mise en avant de discours populistes = simplifications, fakes news = s’opposer à l’élitisme, s’opposer au « forces de progrès » (progressisme), populisme commun à la droite et à) la gauche

 

Conséquences de phénomènes, politiques et médiatiques, et d’une carence plus profonde : la nécessité de regarder avec objectivité un passé colonial dont les idéaux politiques se font encore les échos, et alors que la population française comporte en son sens une part conséquente de populations issues de mouvements migratoire provenant de ces territoires, et aujourd’hui étant citoyens à part entière.

 

 

1.   Normalisation politique

 

Choix des politiques = l’émergence depuis 1998 d’une « droite décomplexée »

Naissance de l’expression = Bruno Gollnish, secrétaire général du Front National

 

Charles Million lance un mouvement « La Droite » (puis un parti éphémère, « la droite libérale chrétienne »)

= il veut réunir ceux qui veulent « lutter contre le conformisme politique, l’étouffement, et qui souhaitent affirmer leurs convictions sans complexes » (Le Figaro, 20 mai 1998).

= moment ou la droite française s’empare du fait qu’elle est de droite (droite gaulliste refusait étiquette de « droite » car clivante = De Gaulle voulait parler autant aux patrons qu’aux ouvriers, rassembler, pas diviser ; avant 1939 la droite se présentait comme une « gauche républicaine » et non socialiste)

Idée de Charles Million

 

Pour B. Gollnish = l’émergence d’« une droite décomplexée par rapport aux tabous dont la gauche l’accablait (…) et qui pourra passer des accords avec le Front national » (Le Monde, 21 avril 1998).

 

Seconde tendance ≠ accords avec FN = Assécher le FN en récupérant les électeurs de « droite » partis à l’extrême droite = permet l’élection de N. Sarkozy en 2007 ; explique aussi son échec en 2012

 

ð Entrée des discours du FN dans le cœur du monde politique

ð = Rejet de la démocratie par une extrême droite qui a réussi à imposer ses questions au cœur de la société (immigration, UE, intégration et sécurité) en dépit d’une morosité de l’emploi (env. 10% de chômeurs depuis 30 ans).

Exemple = “crise des migrants” de 2015 > “migrants”, au lieu de demandeurs d'asile ou réfugiés, et “crise”, plutôt que situation ou problème, ont été définis par l'extrême droite

 

 

2.   Normalisation médiatique

 

Impact des médias (et aujourd’hui relai des réseaux sociaux)

 

-     1er mai 2012, RMC - le président de la République Nicolas Sarkozy a répondu « oui » à la question de Jean-Jacques Bourdin, qui lui demandait: « Y a-t-il trop d’immigrés en France? »

 

-     7 mars 2012 France 2 - Questions au candidat François Hollande par David Poujadas, JT de 20 h 00

«  -Est-ce vous pensez, François Hollande, qu'il y a trop d'étrangers sur le territoire français?
- Mais qui est responsable de la politique de l'immigration depuis 10 ans si ce n'est Nicolas Sarkozy?
(…)
- Mais votre analyse à vous sur le nombre d'étrangers sur le sol français? 
- Nous avons un devoir d'intégrer ceux qui sont ici.
(…)
- Mais je vous repose la question : Est-ce qu'il y a trop d'étrangers aujourd'hui sur le sol français? 
- Il y a trois millions d'étrangers sur le sol français. Mais il aussi beaucoup d'enfants qui sont Français et qui auront nécessité à être bien intégrés si nous voulons avoir un grand pays.
- Mais vous dites
''c'est trop'' ou ''c'est un atout''
- Nous devons avoir des règles. La république ce sont des règles.
(…)
- Pourquoi est-ce que vous ne dîtes pas clairement ''il n'y a pas trop d'étrangers sur le sol français''»

 

La liberté d'expression (…) signifie que l’Etat n'a pas le droit d'empêcher quelqu'un de s'exprimer. Les médias doivent rapporter de manière critique toutes les idées et tous les acteurs des mouvements politiques, y compris ceux de l'extrême droite, mais ils devraient être particulièrement véhéments envers ceux qui sont hostiles aux fondements de la démocratie libérale, condition en soi de l'indépendance et de la liberté des médias. On ne doit pas les ignorer ou les “combattre”. Mais on ne devrait pas non plus les traiter de la même façon que les “autres”, c’est-à-dire les partis démocratique libéraux [ndlr, au sens anglo-saxon du terme], ou leur accorder une attention “négative” disproportionnée. Dans le premier cas, cela a pour effet de les normaliser, et dans le second, d'accroître leur visibilité.

Cas Mudde

professeur et expert des mouvements d'extrême droite et du populisme

https://voxeurop.eu/fr/cas-mudde-nous-sommes-actuellement-dans-la-quatrieme-vague-de-lextreme-droite-dapres-guerre/

 

 

3.   Carence mémorielle

 

En 1998, J.M. Roirant, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement exposait

 

« Ce que nous payons aujourd’hui [c’est la dérive] qui a été mise en œuvre par la République du temps ou l’Algérie était département français. La non-application de la Loi de 1905 dans les trois départements d’Algérie du fait de la politique coloniale de la France, le statut honteux inventé pour les "musulmans français", citoyens de seconde zone, n’ont pas contribué à rendre la laïcité compréhensible aux Maghrébins. Il n’y a donc pas (…) de "mauvaise conscience coloniale", il y a tout simplement un travail de deuil sur la colonisation qui n’a pas encore été fait et qui rend plus difficile et compliquée la compréhension de la laïcité par les citoyens issus de l’immigration. Raison de plus pour dialoguer afin d‘expliquer ».

Jean-Marc Roirant, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement,

Kessel Patrick, Roirant Jean-marc, Seksig Alain. Ni plurielle, ni de combat : la laïcité. In: Hommes et Migrations, n°1218, Mars-avril 1999. Laïcité mode d'emploi. pp. 64-75.

Plus de 20 ans plus tard = aucune amélioration

 

 

B.   Réponse d’État, réponse politique

 

Gérald Darmanin : «Ce qu’on cherche à combattre, c’est une idéologie, pas une religion»

Interview.

Pour le ministre de l'Intérieur, il n'y a pas eu de failles dans la surveillance du terroriste Abdoullakh Anzorov, qui a assassiné Samuel Paty le 16 octobre. «J'ai convoqué les chefs des services sous mon autorité, et j'en ai conclu qu'ils n'ont pas failli. Je me tiens d'ailleurs à disposition de toute commission d'enquête parlementaire, tout en notant que personne ne l'a vraiment demandé», assure Gérald Darmanin. Je crois que le problème ne vient ni du renseignement territorial ni de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), mais de notre façon de gérer l'islam radical et politique». Pour lui, la décapitation du professeur d'histoire-géo de Conflans-Sainte-Honorine est le «premier attentat dont l'arme n'est pas seulement un couteau, mais une arme idéologique qui est celle des officines islamistes françaises», comme le CCIF ou BarakaCity, dont le gouvernement veut la dissolution.

https://www.liberation.fr/direct/element/gerald-darmanin-ce-quon-cherche-a-combattre-cest-une-ideologie-pas-une-religion_120800/

 

Deux axes :

premier ministre / pdt de la République = lutte officielle

ministre de l’intérieur / ministre de l’Éducation Nationale = opposition politique

 

1.   Le retour de la laïcité de combat : une réponse visible face à un ennemi invisible

 

·      Premier ministre demande  

 

Dissolution du CCIF - Association de défense des droits de l'Homme - Collectif contre l'islamophobie en France – créé en 2007

ð recense et analyse les actes islamophobes. Il publie un rapport annuel. Le CCIF organise des événements sur le thème de l'islamophobie et propose de l'assistance juridique ainsi que du soutien psychologique aux victimes. Vu comme une approche « victimaire »

ð Plusieurs courants dans le CCIF dont des fondamentalistes

ð Problème : aucun lien avec aucun attentat, aucun relai de l’appel sur les réseaux sociaux de Abdelhakim Sefrioui

Le CCIF peut interroger – sur ses méthodes, son recensement, discours qu’il a pu tolérer ou écouter comme légitime = mais rien de tangible

 

BarakaCity – ONG de droit française – aide aux populations musulmanes dans le monde entier – dissoute en conseil de ministres

ð Rôle humanitaire sur base valeurs du Coran

ð Pb proche des milieux salafistes (retour rigoriste au texte, au texte seul, et à la vie vécue par le prophète et les premiers musulmans, courant de l’Islam sunnite)

ð Financement surveillé comme toute association + car mouvements salafistes + discours de ses responsables (ne pas condamner l’EIL, par exemple)

ð Dissoute le 28 octobre en conséquence de la mort de S. Paty pourtant sans lien

 

Cette dissolution se fonde sur les dispositions de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure (ex-Loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées), et notamment les critères 6° (provocation à la discrimination) et 7° (provocation au terrorisme). D'après le ministre, cette association « incitait à la haine, entretenait des relations au sein de la mouvance islamiste radicale, se complaisait à justifier des actes terroristes ».

Wikipedia

 

Mosquée de Pantin - Le président de l’association gestionnaire a diffusé (semble-t-il de son propre chef) sur la page Facebook du lieu de culte une vidéo du parent d’élève s’en prenant à Samuel Paty. Fermeture administrative de 6 mois

Problème : la fermeture porte préjudice à la communauté des fidèles, sont-ils co-responsables et à quel titre ? (la justice a estimé des responsabilités dans l’Église catholique face aux révélations de pédophilie, elle a jugé et relaxé l’ex-cardinal de Lyon Barbarin, mais elle n’a jamais considéré les paroissiens comme des complices) ;

 

 

·      Président de la République : 2 axes

 

Au cours de son discours sur le séparatisme, vendredi 2 octobre, le président a annoncé avoir confié au Conseil français du culte musulman le dossier de la formation des imams. Une « immense responsabilité » qui s’accompagnera d’une « immense pression » exercée sur le CFCM par l’État, a-t-il prévenu.

La Croix, 2 /10 / 2020

https://www.la-croix.com/France/Separatisme-formation-imams-Macron-met-CFCM-pression-2020-10-02-1201117275

 

Conseil Français du Culte Musulman = association qui a vocation à représenter les musulmans de France auprès du ministère de l’intérieur (ministre des cultes) sur les questions relatives à la pratique religieuse + constructions de mosquées

 

Lors de cette rencontre, Emmanuel Macron a demandé à cette autorité représentative de travailler à la prévention de la radicalisation ainsi qu’à la formation des imams. Les membres du CFCM ont donné leur accord sur ce point. "Il nous faut montrer que l’islam est compatible avec la République et dans le même temps, combattre les idées radicales", a notamment pu déclarer l'un d'entre eux au cours des échanges.

Europe 1 – 19 octobre 2020

https://www.europe1.fr/politique/attentat-de-conflans-emmanuel-macron-a-recu-le-conseil-francais-du-culture-musulman-3999731

 

Problème = le CFCM n’est pas une instance représentative et elle n’a pas de pouvoir de contrôle sur les mosquées = les mosquées ne s’organisent pas en fonction des décisions politiques ni de celles du CFCM…

 

+ réviser les conditions de l’organisation et du financement des associations qui portent notamment l’islam = idée que les moyens législatifs ne permettent pas leur encadrement et contrôle et que ces associations ont besoin d’être accompagnées

 

En l’état, les lois de 1901 sur le contrat d’association et celle du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat sont fondées sur le droit applicable aux contrats et aux obligations, qui permet de structurer et de contrôler les cultes quels qu’ils soient. Vouloir renforcer les « contraintes » de la loi en vigueur, c’est a priori prétendre qu’elles seraient insuffisantes en matière d’organisation et de financement.

Alain Garay, avocat à la cour de Paris, Tribune, Le Monde, 27 octobre 2020

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/27/les-mosquees-ne-s-organisent-pas-en-fonction-des-decisions-politiques-ni-de-celles-du-conseil-francais-du-culte-musulman_6057485_3232.html

 

Axes politiques qui posent plusieurs problèmes

ð Aucun lien (ou lien directe) avec les terroristes : assassins de Conflans ou de Nice = « hors des radars », personnes seules, non recensées comme dangereuses = des investigations dans la face visible du radicalisme (Barakacity) au risque de l’amalgame = réponse politique et risque de ne pas atteindre l’objectif 

 

ð Une laïcité de combat qui contrevient au sens de la Loi de de conciliation 1905 

 

La notion de laïcité de combat s’intègre mal au cadre juridique qui est le nôtre aujourd’hui car les textes de la jurisprudence européenne et internationale insistent tous sur la liberté de culte.

Résumé de l’entretien « Laïcité : du combat au droit »,

David Kessler/ Le Débat (nov-déc 1993, n°77).

https://www.eleves.ens.fr/pollens/seminaire/seances/laicite/kessler

 

2.   Le fantasme de l’islamo-gauchisme

 

·      Origine

 

Au début des années 2000, l’historien Pierre-André Taguieff forge ce néologisme pour désigner un vrai problème : les militants anti-mondialisation/altermondialistes faisant alliance ou accompagnant provisoirement, au nom de la « lutte contre l’impérialisme et la mondialisation », des fondamentalistes musulmans obnubilés par « l’américano-sionisme » (voir La Nouvelle Judéophobie) – « le Grand Satan et le Petit Satan » -, militant contre l’existence de l’État d’Israël, prônant d’une part l’effacement de « l’entité sioniste », et jugeant d’autre part les musulmans comme une minorité opprimée de manière systémique par les non-musulmans.

Isabelle Kersimon

https://inrer.org/2020/10/islamo-gauchisme-islamo-droitisme/

 

Ceux qui l’emploient frénétiquement sur les réseaux sociaux à l’heure actuelle dénoncent une collusion entre « la gauche » et les terroristes djihadistes se posent en « combattants », en « Résistants » à une supposée conspiration musulmane, qualifiant leurs adversaires politiques ou simples contradicteurs de « traîtres » et de « collabos » qui œuvreraient à la destruction de la France au profit d’un idéal califal.

 

L’association « Riposte Laïque » (!) = une construction dans de cette lecture de collusion islamo-gauchiste = créé en 2007 car

« la gravité de l’offensive de l’islam politique, en France, en Europe et dans le monde, était dramatiquement sous-estimée par toute une partie de la gauche, et du mouvement laïque. » Pour elle, « l’islam n’est pas une religion mais un projet politico-religieux totalitaire ».

Isabelle Kersimon

https://inrer.org/2020/10/islamo-gauchisme-islamo-droitisme/

 

·      Usage par des ministres contre l’opposition politique de gauche

 

ð 6 octobre Gérald Darmanin (ministre de l’intérieur) qualifie, à l’Assemblée Nationale, La France Insoumise de parti islamo-gauchiste[2]

 

ð 23 octobre Jean-Michel Blanquer (ministre de l’éducation nationale) énonce

 

« Ce qu'on appelle l'islamo-gauchisme fait des ravages », a déclaré le ministre sur Europe 1, jeudi 22 octobre. « Il fait des ravages à l’université, il fait des ravages quand l’UNEF [Union nationale des étudiants de France] cède à ce type de chose, il fait des ravages quand dans les rangs de La France insoumise, vous avez des gens qui sont de ce courant-là et s’affichent comme tels. Ces gens-là favorisent une idéologie qui, ensuite, de loin en loin, mène au pire »

Soazig Le Nevé, « Polémique après les propos de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme » à l’université », Le Monde, 23 octobre 2020

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/23/polemique-apres-les-propos-de-jean-michel-blanquer-sur-l-islamo-gauchisme-a-l-universite_6057164_3224.html

 

·      Attaque une collusion supposée avec l’islamisme radical

 

-     l’université en tant que lieu d’enseignement et précisément les Sciences Sociales (dénoncé par la Conférence des Présidents d’Université, de droite)

 

-     un syndicat étudiant (UNEF dont l’une des représentantes est voilée)

 

-     un parti politique très à gauche

 

+ Entraîne des faits = tag sur immeuble du PC parisien « collabos », réprobations verbales de ceux manifestants après la mort de S. Paty place de la République à Paris le 18 octobre à l’appel de SOS-Racisme et de Charlie Hebdo…

 

= emploie de ce terme = normaliser un discours qui est aujourd’hui celui d’une extrême droite antidémocratique pour en faire un fer de lance d’une laïcité de combat

 

 

 

[Bilan III]

ð    Lutte étatique et politique en confrontation de deux logiques = une sociétale à long terme (vivre ensemble dans les valeurs de la République) et une politique à court terme (répondre visiblement aux actes) dans un contexte politique orienté à droite et « décomplexé »

ð    Quelle définition de la Laïcité par l’État ici = un combat à mener, alors que Loi, les éléments législatifs sont là depuis 1905 = réponse politique à court terme

ð    Risque d’un effet nul voir négatif en aggravant la responsabilité des musulmans de France = effets sur le long terme qui interroge

 

 

Conclusion - Enseigner la laïcité est un sport de combat !

 

Ø    L’école n’est pas une arme… mais l’éducation est une arme, la seule valide face au tragique assassinat de S. Paty

 

Ø    L’école permet la distanciation que les politiques n’ont pas = la seule réponse est la culture, l’éducation, l’humanité = la compréhension des valeurs républicaines dans lesquelles nous devons tous nous retrouver

 

 

Et pour se détendre

La koufarophobie - Le Billet de Sophia Aram

 



[1] L’analogie avec l’ouvrage électronique de Joseph Morsel ne saurait être fortuite. Joseph Morsel (avec la collaboration de Christine Ducourtieux), L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat… Réflexions sur les finalités de l’Histoire du Moyen Âge destinées à une société dans laquelle même les étudiants d’histoire s’interrogent. LAMOP – Paris 1, 2007. (http://lamop.univ-paris1.fr/W3/JosephMorsel/Sportdecombat.pdf).

Les caricatures non sourcées sont de Zep - La laïcité à l’école, République et Canton de Genève, 2017.

[2] BONUS

Mardi dernier, sur BFM TV, Gérald Darmanin avait fait réagir en se déclarant choqué par l’existence de rayons de nourriture communautaire présents dans les supermarchés. «Ça m'a toujours choqué de rentrer dans un hypermarché et de voir qu'il y a un rayon de telle cuisine communautaire, c'est comme ça que ça commence le communautarisme», avait déclaré le ministre. Il avait ensuite précisé son propos : «Je comprends très bien que la viande halal soit vendue dans des supermarchés, ce que je regrette c'est les rayons. Pourquoi je dois faire un rayon différent? J'ai donc le rayon pour les musulmans, le rayon casher puis tous les autres... Pourquoi des rayons spécifiques?»

Paris Match

https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Pour-Gerald-Darmanin-il-y-a-un-lien-reel-entre-des-Insoumis-et-les-islamo-gauchistes-1709143


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